quote: | Des prénoms très griffés
La mode vient des Etats-Unis: appeller ses bébés L'Oréal, Chanel, Ikea. Facile à porter?
«Quand la petite L'Oréal rencontre le jeune Timberland» pourrait être le titre de la prochaine comédie romantique à l'américaine. Car une tendance commence à prendre de l'ampleur aux Etats-Unis: donner à son enfant un nom de produit. Le phénomène, épinglé par Cleveland Evans, un professeur de psychologie de l'université Bellevue, au Nebraska, reste évidemment minoritaire - 0,5% des enfants nés en 2000 sont concernés - mais il est promis à un bel avenir. Il y a trois ans, on recensait déjà 353 fillettes prénommées Lexus (une marque de voiture de luxe) et 269 Chanel. Armani faisait encore mieux, avec 273 garçons et 298 filles. Sans compter les 21 L'Oréal et 24 Porsche, les 49 Canon, les 6 Timberland et autres Evian, Cartier ou Ikea. A l'origine de ce mouvement, un souci d'originalité, mais aussi l'envie inconsciente de donner à son enfant des atouts en l'associant à une marque prestigieuse.
«Les classes populaires, davantage tournées vers le futur, ont tendance à choisir ces prénoms. Les classes plus aisées cherchent plutôt un nom qui les relie au passé et à leurs ancêtres, comme Sophia ou Isabella», observe Cleveland Evans. Appeler son rejeton comme un parfum ou une montre, est-ce dangereux? «Ce phénomène pose un problème si les parents qui appellent leur enfant Porsche ou Dior lui enseignent que la richesse et l'apparence sont des valeurs suprêmes, estime Cleveland Evans. Pour moi, il est beaucoup plus bizarre d'appeler son enfant Tragedy ou Lucifer.»
«En France aussi,
on trouve entre 300 et 500 Chanel»
«Il n'y a pas de dommage évident lié à un prénom. On peut traumatiser quelqu'un en l'appelant Lionel, si c'est le prénom de son frère mort quand il avait 4 mois», affirme le psychanalyste François Bonifaix, auteur de l'ouvrage Le Traumatisme du prénom (Dune 95). «En France aussi, on trouve entre 300 et 500 Chanel», ajoute-t-il, faisant remarquer que tout tient aux motivations des parents et au fantasme qu'ils projettent sur leur bambin. «Plus l'enfant est chargé de l'imaginaire de ses parents, plus c'est difficile pour lui», renchérit le psychologue Joël Clerget (Mon nom, cet obscur objet du désir, L'Ecole des parents).
Depuis la loi du 8 janvier 1993, les Français sont libres du choix du prénom de leur enfant, à partir du moment où il ne porte pas préjudice au nouveau-né - une notion très subjective, laissée à l'appréciation des juges - et ne vient pas aux oreilles de la marque, qui n'hésite pas à attaquer. On se souvient de l'affaire de la petite Mégane Renaud, qui, après un procès retentissant, avait obtenu en 1999 le droit de porter son prénom. «Les gens se sont engouffrés dans la brèche ouverte par la loi, souligne François Bonifaix. Et on n'a pas encore assez de recul sur cette permissivité.» Ces enfants ont aujourd'hui 10 ans. Mais le psychanalyste prédit que, dans dix ou quinze ans, on en verra beaucoup dans les cabinets des psys.
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On vit dans un monde de fou !!!!
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