quote: | 2004, NEGATIF DE 2002
Les joueurs de l'équipe de France assurent avoir évacué le souvenir traumatisant de la Coupe du monde 2002. L'ambiance du moment leur semble parfaitement incomparable avec la période trop agitée qui avaient précédé leur départ pour l'Asie. Lizarazu sent même renaître cette «fraîcheur mentale» qui avait permis de gagner en 1998. Explications.
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La déroute de 2002 n'est pas oubliée
La France s'est installée au Portugal, mardi, avec la volonté de redevenir championne d'Europe. Elle entend conserver un titre remporté en 2000 au terme d'un tournoi inoubliable alors qu'une bonne partie du noyau dur de l'équipe est toujours présente, notamment la colonne vertébrale Barthez - Thuram, Lizarazu - Vieira - Zidane - Henry. Cette situation a un air de déjà-vu. Il y a deux ans et vingt jours, les Bleus atterrissaient à Ibusuki, au Japon, des espoirs pleins la soute, et beaucoup de raisons objectives de les nourrir. Champions du monde en titre ils étaient, champions du monde ils pensaient rester. Le fiasco qui a suivi appartient déjà à l'histoire. Et l'idée qu'un bis repetita soit peu plausible au vu du bilan actuel (19 victoires, 3 nuls, 1 défaite depuis la Coupe du monde) se fracasse sur cette autre réalité : les années 2000-2002 n'avaient pas été alarmantes sur la durée.
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Les joueurs ont pourtant passé leurs deux premières semaines de préparation à nier le parallèle entre les deux époques. Mieux : à les opposer. «L'atmosphère est moins pesante qu'en 2002, témoigne Lizarazu. Il y a davantage de fraîcheur mentale, moins de pression. En 2002, la pression était partout, permanente.» Desailly confirme. «Nous n'avons pas la même pression négative. A l'époque, c'était à la vie à la mort. Si on ne gagnait pas, il n'y avait plus rien derrière. C'était vraiment ça. Là, je suis très confiant pour l'équipe de France, qui est un favori parmi d'autres. C'est une meilleure approche.» La seule pression du groupe, c'est celle qu'il veut bien se mettre en promettant qu'il donnera tout, ce qui autorise à Lizarazu cette phrase inconcevable il y a deux ans : «On peut faire un bon Euro sans le gagner.»
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Le Basque, marqué par le souvenir asiatique - Thuram a déjà dit qu'il ne s'en «remettrait jamais» - recherche et sent un climat fait de concentration, de travail bien fait, de modestie face à la fragilité des équilibres qui est le propre du sport de haut niveau. «On ne veut pas trop faire d'effet d'annonce car on a été marqué par 2002. En Allemagne, les gens disent qu'on a manqué d'humilité, mais je ne pense pas. On a une bonne équipe mais il est inutile de s'enflammer. On a envie de débuter tranquillement, un peu comme en 1998 quand personne ne nous attendait. Je trouve que les deux périodes se ressemblent. La folie n'était arrivée qu'à la fin. C'était gérable.» Quoi de commun, en effet, entre l'aveuglement général orchestré un soir de défaite contre la Belgique (1-2) et la tranquillité du groupe actuel, même pas secoué par l'annonce du départ prochain de son sélectionneur ? «Cette année, il y a moins d'effervescence, je dirais même moins d'intérêt, autour de l'équipe de France, estime Lizarazu. C'est retombé après la Coupe du monde.»
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Les regards tournés vers l'Angleterre
C'est un fait mais ce n'est pas tout. Jacques Santini, intrigué par la catastrophe de 2002, a fait de la correction des erreurs d'alors une priorité absolue. Sans en rajouter, devoir de réserve oblige, il a recentré le groupe sur lui-même, sur son intérêt collectif, son «jardin secret» comme il le qualifie. «Beaucoup d'erreurs ont été commises et les leçons ont été tirées», résume Sagnol. Jacques Santini avait envoyé un premier signal fort à l'automne 2002 en instaurant un règlement intérieur. Il a surtout chassé de Clairefontaine les agents, les partenaires commerciaux, et les amis d'amis qui avaient éparpillé les efforts quelques mois plus tôt. «Quand on s'entraîne deux fois par jour, on n'a pas envie de participer à une séance photos ou à d'autres activités annexes, dit Sagnol. Cette année, entre les deux entraînements, on a le temps de se reposer. Le groupe est préservé. C'est en recadrant les éléments extérieurs que le coach est parvenu à la situation actuelle.» Pas plus tard que dimanche, le décalage a été saisissant lors de France-Ukraine, marqué par un sobre cérémonie d'hommage aux anciens pour les cent ans des Bleus. Le même événement aurait pu virer au très lourd il y a deux ans. «On n'a été au courant de rien, a assuré Desailly la veille du match. Ce sera le centenaire de l'équipe de France ? Très bien. Nous, on n'a rien vu.» Lizarazu consent d'ailleurs que le groupe «ne sait pas tout de la façon dont on veut (le) protéger.»
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Pour Sagnol, la sérénité du climat actuel a une autre raison. Plus profonde, plus interne, directement liée aux événements de 2002 : sans eux, comment concevoir aujourd'hui la chance infinie qu'il y a à participer à un Euro, fût-ce un premier tour ? «La différence, depuis France-Sénégal, c'est que maintenant on sait qu'on peut perdre un premier match. On s'est fait éliminer alors qu'on se tournait déjà inconsciemment vers un huitième de finale contre l'Argentine. Bien sûr, on savait que c'était possible. L'avoir vécu, c'est mieux.» L'intéressé évacue dans la même mouvement l'idée d'un nouveau vertige, la possibilité qu'un tournant défavorable le 13 juin, un poteau de Trezeguet au bout de quelques minutes, par exemple, précipite une remontée des souvenirs et un violent accès de pression négative le jour J. «On sait que l'équipe qui sera championne d'Europe aura été présente aux moments importants. France-Angleterre en est un. Nous n'avons pas le choix.» Moins de pression ne veut pas dire moins d'ambition. |
Aller la France!
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Our futur remains possible!
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